parent

Portraits d’Enfants: Claude, 13 ans

Schoolboy Struggling with Math Problems

Claude, comme Ruby, dont je vous ai déjà parlé, faisait partie de ma première cuvée d’élèves en tant qu’enseignante d’anglais au présecondaire. Claude était maigre, toujours affaissé sur son pupitre.  Son commentaire préféré : « c’est plate ». Rien ne semblait l’allumer. Été comme hiver, il portait les mêmes vêtements usés, t-shirt fade, souliers troués. Il incarnait la pauvreté. Sa mère était une droguée finie qui faisait le trottoir dans notre petite ville. Je l’avais déjà aperçue, faisant la tournée des bars. Pathétique.  Claude participait quand même bien quand je faisais des enseignements  à l’oral. Par contre, il finissait toujours par s’endormir. Un peu insultant pour une enseignante, mais je soupçonnais qu’il manquait de sommeil,  et de bien d’autres choses.

J’emmenais quelque fois des vêtements usagés que je destinais à cet élève. Pourtant, il était tellement orgueilleux qu’il ne les prenait pas. Tous les autres élèves de la classe en voulaient un morceau, et Claude, lui, ne faisait pas mine d’en avoir besoin.  Un bon jour, je lui ai apporté une paire de botte d’hiver et lui ai donnée en privé. Il était content. L’hiver était froid, et je n’en pouvais plus de le voir arriver à l’école avec ses petits souliers de toile troués. Le lundi suivant, Claude était de retour en classe avec ses souliers de toile. Quand je lui ai demandé où étaient ses bottes neuves, il m’a répondu que sa mère les avait gardées. J’étais enragée.

Un bon après-midi, j’ai demandé à Claude de venir au tableau. Il était pâle et chétif, comme d’habitude, mais cette fois-ci, il a refusé de se lever. J’ai insisté. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas. Je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit qu’il ne pouvait  plus bouger. Bon,  quoi encore? Je n’ai pas embarqué pas dans son jeu et lui ai intimé un peu plus directement de se lever et de venir au tableau. Il m’a répété qu’il ne pouvait pas se lever, qu’il était comme paralysé. Je me suis aperçue  alors qu’il tremblait de tous ses membres. Je commençais à me rendre compte qu’il ne pouvait  peut-être pas bouger.  La cloche a sonné, les autres élèves ont  décampé en vitesse. Je suis restée avec Claude. Lui ai demandé s’il avait mangé aujourd’hui. Il m’a dit non. J’ai essayé de l’aider à se lever. Rien à faire. Il était en détresse et je vous avoue  que moi aussi. J’ai dû appeler une ambulance. La direction a communiqué avec sa mère. On a installé Claude dans une chaise roulante et j’ai attendu  l’ambulance avec lui. Quand sa mère est arrivée, pas un regard pour son fils. Elle s’est dirigée vers le directeur pour l’engueuler d’avoir appelé l’ambulance alors qu’elle n’avait pas d’argent pour payer. Pendant qu’elle crachait son venin sur le directeur, j’ai accompagné Claude vers l’ambulance et j’ai tenté de le rassurer comme je pouvais. Il est parti alors que sa mère criait encore. Quand je me suis retournée pour regarder sa folle de mère, j’ai vu qu’elle portait les bottes  que j’avais destinées à Claude.  J’ai presque eu l’envie d’aller les lui arracher des pieds.

J’ai su par la suite que Claude avait le scorbut! Une maladie causée par une grande carence en vitamine C, maladie qui avait disparu depuis près d’un siècle et qui touchait principalement les anciens marins qui voyageaient sans fruits sur les bateaux. Le scorbut peut mener à la mort.

Je n’en revenais pas.   J’ai compris pourquoi Claude s’endormait dans mes cours, et que j’aurais pu danser sur les tables, qu’il se serait endormi pareil. J’ai compris aussi que la négligence parentale était un acte criminel. Je venais de commencer à en voir de toutes les couleurs.

 

Les Parents et le Mensonge

mensonge

Billet d’humeur à prendre avec un grain d’humour

Mon enfant ne ment pas! C’est ce que me disent de plus en plus de parents qui jurent que leur progéniture, pris la main dans le sac, n’a pas menti et que tout est de la faute de l’autre (l’autre enfant, l’enseignant). Ce à quoi je leur réponds le plus souvent : Si votre enfant ne ment pas, il n’est pas normal. Bon, enfin, c’est ce que je me dis. Parce que si je leur répondais vraiment ça, ce serait assez pour qu’ils me disent que j’accuse leur enfant d’être anormal.

Pire que le mensonge de l’enfant est la réaction des parents quand on les informe que leur enfant a menti.

Le parent avocat

avocat

Le parent avocat défendra son enfant jusqu’à porter plainte à la Commission scolaire si on ne capitule pas. Il ne sait pas ce qu’il s’est passé (il n’était pas là), mais il  croit son enfant. Comme un avocat, peut lui importe vraiment ce qui est arrivé, tout ce qu’il veut qu’on retienne de sa longue diatribe enflammée, c’est que son enfant ne ment pas. Il est le seul juré et sa conclusion est le seul verdict acceptable.

Cher parent avocat, il se peut que votre enfant subisse une injustice, mais faudrait pas mettre tout le système en branle pour un simple mensonge. Il se peut aussi que votre enfant soit déclaré coupable et que ce soit vrai. La peine ne sera pas si grave. Au plus il aura une réflexion à faire, un geste réparateur à poser. Et sachez que les enfants n’ont pas toujours besoin d’avocats. Ils se défendent assez bien seuls. Ou bien ils l’apprendront, ce qui est encore mieux.

Le parent détective

espion

Le parent qui demande les preuves. On lui dit qu’une telle a vu l’enfant porter un geste. Le parent nous répond qu’il veut parler à cette personne. Qu’on lui expose de long en large les étapes qu’on a suivies durant une enquête qui nous a pris 2 heures de notre journée pour venir à bout des versions de tous ceux impliqués, ça ne compte pas. Il veut refaire le travail lui-même. Il ira même jusqu’à communiquer avec d’autres parents, pour s’assurer que le leur a bien été puni, que l’école n’a pas monté un scénario de toutes pièces pour harceler leur chérubin. Il se tiendra près de la cour de récréation et observera son ange interagir avec les autres, pour les prendre sur le fait d’un autre crime beaucoup plus grave qui demanderait notre attention et la dévierait de son chérubin. Cher parent détective, pensez-vous vraiment qu’on conspire pour accuser les jeunes à tort, votre enfant en particulier? On en a des centaines à éduquer ou à martyriser, c’est selon.

Le parent qui exorcise ses démons

diable

J’ai aussi le grand plaisir de recevoir des billets qu’on a envoyés aux parents, dans une enveloppe cachetée, nous revenir par les mains de l’enfant, avec un message bien en vue graffigné à l’encre rouge, comme possédée de la main du diable,  qui dit que son enfant n’a pas menti et que la prochaine fois, on devra le croire! Bien sûr, l’enfant se fait en général un plaisir de nous soumettre la lettre, avec un petit sourire presque diabolique. D’autre fois, l’enfant est mal à l’aise. Il sait qu’il a mal fait. Il culpabilise un peu.

Le parent qui s’exprime est verbomoteur et aussi très peu discret. Sa voix peut monter d’une octave ou sembler venir tout droit d’outre-tombe. Il arrive en coup de vent, exige de nous rencontrer pour nous expliquer à quel point nous sommes incompétents. Habituellement, il a détesté l’école étant jeune et transfère sa haine du système sur nous.  Il ne se gêne pas pour laisser exploser sa colère et cracher son venin sur tout ce qui l’entoure.  Le problème, c’est l’enseignante, toujours sur le dos de son rejeton. Il croit que son enfant est étiqueté et qu’on passe notre temps à le diaboliser. Il exigera qu’on retire la conséquence imposée, il refusera que son enfant assiste à une retenue ou autre.

Cher parent qui exorcise ses démons. Vous vous y prenez très mal et on n’a pas le gout d’être gentil avec vous. Sachez que la prochaine fois que vous vous pointerez à l’école, nous aurons envie de vous éviter, et peut-être qu’on brandira le crucifix pour vous tenir éloigné.

Le parent guerrier

guerrier

Le parent guerrier en veut à l’école, à l’enseignant, à la direction pour la grande injustice qu’on vient de porter envers son enfant. Il a la mémoire longue et vient de déclarer la guerre. Il trouvera toutes les excuses possibles pour envoyer des notes rageuses à l’enseignant de son enfant, comme autant de petits coups de poignard. Il posera des embuscades, soulignera une faute d’orthographe de l’enseignante à gros traits.  Ainsi, il critiquera l’enseignante qui me transmettra, en larmes, le dernier message méchant qu’il a reçu du parent guerrier. Aucune trêve en vue, la guerre froide durera jusqu’à la fin de l’année. Jusqu’à ce que l’enseignante se trouve vaincue. L’enseignant du niveau supérieur tremble déjà en sachant que l’enfant du parent guerrier aboutira dans sa classe l’an prochain.

Le parent de l’extrême droite

extremiste

Le parent de l’extrême droite est « trop de notre bord ». Il nous dit que son enfant est un menteur. Qu’il est pareil à la maison. Qu’il est souvent puni pour ses mensonges. Il fomente la pire des punitions pour dompter son fils. Punition qui pourra même aller à un mois sans amis, ou sans jeu. Bref, il en met trop. Avec le parent d’extrême droite, on en arrive à vouloir banaliser la situation à la dédramatiser, à tenter de calmer le parent car on a un peu peur pour notre petit protégé qui n’a tué personne.

L’enfant du parent extrémiste a très peur qu’on appelle son parent. Il tremble de peur. Ce qui fait qu’on ne communique pas souvent avec ce parent. On règle ça à l’école et on essaie de faire comprendre à l’élève ce que son parent ne comprend pas. Un mensonge, ce n’est pas si grave, mais ce n’est pas bien non plus. Par contre, on comprend le jeune de mentir pour éviter une punition. On le ferait aussi si on avait affaire à un parent extrémiste.

Le parent idéal

entente

Le parent idéal existe. Il compose même la grande majorité de notre population. C’est celui qui ne panique pas, et s’assure d’écouter ce qu’on a à dire avant de porter un jugement. Il ne nous prend pas pour des caves et se dit que si on prend la peine de communiquer avec lui, il prendra la peine d’avoir une vraie conversation. Il pourra même nous faire part de ses inquiétudes en sachant qu’on fera notre possible pour l’aider. Il comprendra que son enfant a commis une bévue mais n’en fera pas un drame. Quand le parent sortira de notre bureau, on aura encore le sourire aux lèvres. On saura que la situation est réglée à la satisfaction de tous (à part peut-être l’élève qui aura à vivre avec les conséquences de son geste). On n’aura pas peur que le petit se fasse battre en arrivant le soir à la maison. On saura qu’on peut compter sur ce parent-là pour collaborer car nous sommes sur la même longueur d’ondes et nous travaillons vers un même but. On a le même objectif : faire de l’enfant un être qui sera équilibré.

Cher parent, votre enfant ment, mais on l’aime et il est normal! Vous voulez savoir pourquoi on ment? Lisez ceci: La vérité sur les mensonge.